

L’ANALYSE SENSORIELLE DES HUILES D’OLIVE
GIULIO SCATOLINI, Chef du jury de l’UnaprolAristotele
L’analyse sensorielle, au sens large du terme, est le résultat d’une interaction dynamique complexe entre différents facteurs physiologiques, sociologiques, culturels et économiques. Il s’agit en réalité d’un instrument que nous utilisons tous les jours pour choisir par exemple nos aliments, nos vêtements, nos instruments de travail et nos contacts, au moyen justement des organes sensoriels humains.
L’analyse sensorielle n’est appliquée que depuis très peu de temps aux caractéristiques des huiles d’olive. Si la perception sensorielle est étudiée depuis de nombreuses années, elle a plutôt été utilisée sur les produits alimentaires qui intéressent le marché anglo-saxon. L’étude de la perception par les sens a montré que les organes sensoriels humains se comportaient comme de véritables instruments de mesure. Des lois mathématiques reliant les réponses à une stimulation donnée à l’intensité de la propre stimulation ont été identifiées et il a été démontré que les organes sensoriels sont constitués de cellules spécialisées dans la reconnaissance des différents types de molécules avec lesquelles ils sont en contact. Des essais ont été réalisés pour vérifier dans quelle mesure ces organes sensoriels utilisés comme instruments d’analyse présentent la caractéristique fondamentale des instruments d’analyse, à savoir la répétabilité et la reproductibilité des mesures. Lorsqu’une mesure est effectuée au moyen d’un instrument, celle-ci doit en effet être identique, donc se répéter, toutes les fois où l’on procède à cette mesure. Elle doit également pouvoir être reproduite par n’importe quel opérateur. Cette caractéristique doit pouvoir se vérifier aussi bien pour la reconnaissance du type de substance à contrôler que pour la détermination de sa concentration. On a observé que pour certains arômes, les organes sensoriels humains constituaient également d’excellents instruments pour la reconnaissance du type de perception. Par exemple, si tous les individus sont capables de reconnaître l’odeur de la rose, il est évident que tous les êtres humains sont dotés de cellules spécialisées pour distinguer ce type d’arôme. En ce qui concerne en revanche l’intensité de la perception, des essais ont été réalisés pour déterminer ce que l’on appelle le « seuil de perception », c’est-à-dire les niveaux d’intensité qui peuvent être perçus par plusieurs individus, et il s’est avéré que ces seuils de perception sont différents d’un individu à l’autre : en effet, certaines personnes sont très sensibles à la sensation d’amertume alors que d’autres le sont moins et ainsi de suite. C’est donc là que se situait le problème, dans le fait qu’une personne pouvait donner une évaluation différente de celle d’une autre personne en ce qui concerne l’intensité de perception d’une certaine stimulation. Ce constat ne permettait pas d’utiliser une seule personne, aussi experte et compétente qu’elle soit, dans l’évaluation des caractéristiques organoleptiques des aliments.
Toutefois, la poursuite des recherches de nature statistique sur les seuils personnels de perception a permis de montrer que des groupes de 8 à 10 personnes choisies au hasard au sein d’une population présentaient un seuil moyen de groupe répétitif, c’est-à-dire un seuil analogue à celui d’un autre groupe de 8-10 autres personnes de la même population.
Cela signifie que des groupes de 8 à 10 individus présentent un seuil moyen de groupe qui peut être considéré comme étant représentatif du seuil de l’ensemble de la population et que ce groupe peut donc être utilisé en tant qu’instrument de mesure capable de donner des résultats valables pour toute la population.
Lorsque ce groupe est utilisé comme panel ou jury de dégustation (panel est un terme anglais qui signifie groupe de personnes qui se réunissent pour exprimer un jugement) pour évaluer les caractéristiques organoleptiques d’une huile d’olive, les personnes qui le composent sont chargées d’apprécier la présence et l’intensité de perception des sensations typiques de l’huile. Ces sensations peuvent être agréables et/ou désagréables. Les sensations agréables proviennent des substances qui sont naturellement présentes dans le fruit sain et frais, dans la membrane qui entoure les petites gouttes d’huile qui se trouvent à l’intérieur des cellules de la pulpe. Quand les olives sont travaillées, durant les phases de broyage et surtout de malaxage, toutes les substances naturelles du fruit se répartissent entre l’huile et l’eau de végétation en fonction d’un coefficient de répartition fortement influencé par la température. C'est pourquoi l’usage prudent et limité de la chaleur au cours du processus d’extraction permet d’obtenir une composition harmonieuse des substances naturellement présentes dans l’huile, en particulier de celles qui sont responsables des caractéristiques organoleptiques et qui donnent par conséquent un goût plus agréable au produit.
Parmi les caractéristiques organoleptiques se trouvent également les sensations désagréables. Elle le sont même lorsqu’elles sont à peine perceptibles. Elles sont en général causées par des substances qui ne sont pas présentes dans le fruit sain et frais mais qui sont le résultat de la dégradation des olives dans le cadre de processus de fermentation ou de contamination environnementale. C’est justement la distinction de ces deux types de sensations – agréables et désagréables – qui constitue l’objet de l’essai organoleptique.
Comme dans toute chose humaine, lorsqu’une personne exprime un jugement, elle ne fait que confronter des modèles positifs et négatifs qu’elle a déjà en mémoire. Ainsi, les personnes qui font partie du groupe d’essai, du jury de dégustation, sont formées et entraînées pour mémoriser les modèles positifs et négatifs de l’huile. A partir des modèles positifs sont mémorisées les sensations agréables qui dérivent des substances naturelles du fruit sain et frais et qui constituent globalement la caractéristique fondamentale de l’huile d’olive : le fruité. A partir des modèles négatifs sont en revanche mémorisées les sensations désagréables, appelées justement défauts organoleptiques, qui dérivent des substances résultant des processus de dégradation du fruit.
Les dégustateurs du groupe travaillent de manière isolée et autonome dans une cabine individuelle et équipée à cet effet. Ils procèdent à l’essai en suivant les directives d’une fiche codifiée par la CE dans le Règlement 796/2002. Cette fiche considère deux modèles : le modèle négatif, avec tous les défauts organoleptiques les plus communs de l’huile d’olive ; et le modèle positif, avec la perception de la présence et de l’intensité du fruité avec toutes les nuances d’amertume et de piquant qui la rendent plus ou moins harmonieuse. Le dégustateur note sur la fiche l’intensité à laquelle il perçoit les qualités et les éventuels défauts de l’huile.
Le coordinateur du groupe, « le chef de jury », recueille les évaluations des différents dégustateurs. Si le coefficient de variation robuste (erreur de la méthode) de ces évaluations est inférieur à 20 %, le chef de jury peut considérer que l’essai est fiable. L’évaluation de la médiane de l’intensité des perceptions positives (qualités) et négatives (défauts) est le résultat final qui constitue l’évaluation objective des caractéristiques organoleptiques de l’huile.
Ces essais ont permis de fixer des intervalles d’évaluation de la médiane numérique correspondant aux différentes catégories d’huile prévues par la réglementation communautaire. On considère ainsi qu’une huile peut être classée dans la catégorie vierge extra lorsque la médiane de ses défauts est égale à zéro et que la médiane de son fruité est supérieure à zéro.
Lorsqu’en revanche la médiane du défaut est comprise entre 0 et 3,5 et que la médiane du fruité est supérieure à 0, il s’agit d’une huile d’olive vierge.
Lorsque la médiane du défaut est supérieure à 3,5, l’huile est classée dans la catégorie lampante, c’est-à-dire qu’elle n’est pas comestible en l’état et qu’elle doit être soumise à un processus de raffinage.
LE JURY UNAPROL
L’Unaprol a décidé de créer son propre jury dès qu’il s’est avéré nécessaire que le plus grand consortium d’oléiculteurs italiens possède un instrument désormais indispensable pour tout opérateur qui s’occupe de la promotion et de la qualité de l’huile d’olive vierge extra.
Ce laboratoire d’analyse sensorielle a été constitué après de nombreuses visites détaillées auprès de structures similaires présentes sur l’ensemble du territoire national, dans l’objectif de concevoir une salle d’essai la plus complète et pratique possible.
On peut dire que l’objectif poursuivi a été atteint : en effet, tous les experts et les chefs de jury qui ont été invités dans notre structure ont été impressionnés favorablement par les solutions techniques adoptées ainsi que par la qualité des matériaux utilisés.
En ce qui concerne la composition du groupe d’essai que je préside, celui-ci a naturellement obtenu l’agrément du ministère italien de l’Agriculture et de l’alimentation (Décret du 4 mai 2007). Ce groupe est constitué d’une base composée de personnel technique de l’Unaprol ainsi que d’un certain nombre de chefs de jurys régulièrement invités à participer aux travaux en fonction de l’origine géographique des huiles soumises à la dégustation.
Le nombre élevé d’échantillons d’huiles à disposition, représentatives des variétés d’olivier les plus diverses et variées, monovariétales ou en coupage, provenant des zones de production nationales et internationales les plus importantes, permet une formation permanente dont les autres jurys du monde entier peuvent difficilement se vanter.
Le résultat de toutes ces conditions réunies est un jury d’une fiabilité extrêmement élevée, à la disposition totale de la filière – complexe et plurielle – de l’huile italienne de qualité.